Depuis quelques temps, les journées se ressemblent. Je commence par faire le tour des aquariums pour vérifier l’état de mes poissons, je mesure la température, la saturation en oxygène, je fais un changement d’eau, je fais mes expérimentations toute la journée, puis je nourris les poissons le soir. Et un jour sur deux, je vais capturer des perches autour de 6h le matin avec les assistants de terrain. Et à part le travail, je cuisine, je mange, je me lave, je fais un peu de ménage, parfois je vais courir, et je lis avant de dormir. La routine est bien installée. Et c’est correct, mon projet avance bien, et j’aime mon petit train de vie tranquille. Mais durant la dernière semaine, la routine a un peu pris le bord. Premièrement, mes deux colocs de cabine sont parties jeudi, donc on a fait une fête avec les assistants de terrain mercredi soir, et vendredi, j’ai visité des villages de pêcheurs près du lac Victoria avec Beth (une amie et collègue de labo). Ça me donne un peu de jus pour écrire!
Cinthia et Kathleen ont passé deux mois et demie en Ouganda. Elles sont arrivées à Nabugabo 2 semaines avant moi et avant, elles avaient passé quelques temps à Kibale (plus à l’ouest). Durant leur séjour ici, elles ont observé le comportement d’un groupe de singes de la région. On s’est dit qu’avant leur départ, ce serait bien de faire une fête avec tous les assistants de terrain, pour laquelle on cuisinerait des perches, du tilapia et des patates douces sur un feu. C’était le plan initial. Beth est arrivée la veille de la fête et nous dit qu’une famille du village lui a offert un canard. C’est la deuxième fois que ça lui arrive. Lorsqu’elle les visite, elle prend des photos de la famille et lorsqu’elle revient, elle leur donne les photos imprimées. La famille lui donne donc un canard. Tout simplement. Alors on a ajouté le canard au festin! Kiberu, un assistant de terrain travaillant avec moi, était en charge de la cuisson des viandes. Les rôles ont été inversés : on était ses assistants-cuisiniers. On a mariné les poissons avec une tonne de citrons, de l’oignon, du cari, du sel, puis il les a fait cuire très lentement sur une grille au-dessus du feu. Les patates, elles, étaient la charge des assistants de terrain travaillant sur les singes. Ils les ont cuit comme des patates au four, mais façon traditionnelle. Les patates ont été lavées, brossées, rincées, puis enfouies dans la cendre du feu pour cuire. Pour les manger ensuite, on enlevait le plus gros de la cendre et on pelait la pelure. Et avec tout ça, on a bu du vin d’ananas et des bières locales. C’était vraiment, vraiment délicieux. Ça change du riz, des lentilles et des haricots mettons…
Vendredi, Beth et moi sommes parties avec Kiberu et Mutebe en boda-boda (scooter) vers le lac Victoria pour visiter des villages de pêcheurs. On avait tout un look! Pas vraiment le choix de porter des vêtements longs sur la route à cause de la poussière et du vent… Les gars portaient tous les deux leurs manteaux et pantalons de pluie MEC, leurs lunettes de soleil (que Mutebe appelle ses « eye protectors ») et leur casquette rouge McGill. Beth et moi portions pantalons et chandail long, bien sûr, et des grosses lunettes de soleil et un foulard enroulé autour de la tête pour se protéger du vent, de la poussière et du soleil. J’appelais ça notre look Thelma et Louise.

Beth et moi à Lumbu, prêtes à reprendre la route!

En boda-boda avec Mutebe
Donc on a pris la route avec pas de casque vers Bukakata, puis vers Lumbu. À Bukakata, on a marché dans un petit village de pêcheurs sur le bord du lac Victoria. C’est minuscule, mais tellement dense! Plusieurs bateaux étaient à sec, certains étaient ancrés pas très loin, et les filets séchaient sur la berge. Il était environ midi, donc un peu tard pour voir les prises du matin. La plupart des pêcheurs là-bas pêchent le mukene la nuit (c’est un petit méné présent dans le lac Victoria, et aussi à Nabugabo où je suis). Les maisons sont en tôle, minuscules et collées les unes sur les autres. Dans les rues étroites, il y a aussi quelques commerces, tout aussi minuscules. Il n’y a à peu près pas de végétation. C’est tellement différent du village près du lac Nabugabo! À Bukakata, les gens vivent de la pêche uniquement. À Nabugabo, les pêcheurs cultivent aussi leurs légumes, fruits, parfois certaines céréales, et plusieurs élèvent aussi quelques poules et cochons. Les maisons ici sont pour la plupart en brique, très espacées les unes des autres, et il y a beaucoup de forêt. C’est complètement différent.
Après notre petite marche dans le village, on a repris la route pour aller à Lumbu. En s’y rendant, Mutebe m’a expliqué que jusqu’aux années 60, le lac Victoria s’étendait jusque sur la route sur laquelle on était en train de rouler. Et on a croisé un petit pâté de maisons qui n’était pas là il y a 5 ans! La région est encore assez humide, et durant la saison des pluies plusieurs parties sont inondées, mais les gens peuvent y vivre maintenant, puisque le lac a reculé un peu. Lumbu est un peu plus développé. Plus de rues, plus de maisons, plus de commerces, et aussi un lieu de collecte/vente de poissons pour l’expédition. Pendant qu’on faisait le tour du village, les gens nous saluaient. Ils sont très accueillants avec les étrangers : « Hey muzungu! How are you? » Et des enfants ont commencé à nous suivre. Ils étaient quelques uns au début, puis une dizaine autour de nous, et un petit garçon m’a tenu la main un moment. Certains nous ont suivi jusqu’à ce qu’on s’assoit pour manger, et ils sont restés un moment sur le porche à nous regarder. C’est si bizarre d’être le centre de l’attention. En même temps, je pense que je trouverai déstabilisant de me fondre dans la foule à mon retour à Montréal.
C’était une très belle journée. Et après ces quelques jours de divertissement, me voilà de retour au travail. Au doux son de la génératrice en plus.